RSO : Julie Josserand, conseillère à Occitanie en scène nous parle de notre engagement pour l’égalité femmes-hommes


Occitanie en scène est engagée depuis quelques années dans une véritable démarche de Responsabilité sociétale des organisations (RSO). L’association régionale œuvre à réduire l’impact de son activité sur l’environnement, à garantir une gouvernance et des pratiques collaboratives et éthiques et à accompagner les mutations sociétales dans le secteur culturel.


Pour ce second article mettant en lumière nos activités RSO, nous vous proposons de découvrir les projets d’Occitanie en scène en faveur de l’égalité de genres dans le spectacle vivant. Pour cela, nous avons recueilli les propos de Julie Josserand, conseillère et référente égalité professionnelle au sein de l’association.

Peux-tu nous faire un bref historique de l’engagement d’Occitanie en scène dans l’égalité femmes-hommes ?

En 2014, Marion Coutarel, metteuse en scène de la compagnie Théâtre de la Remise, nous a sollicité pour co-organiser une rencontre plénière du réseau Magdalena Project, un réseau international d’échanges interculturels dédié aux arts vivants créés par des femmes, dont la compagnie était adhérente. Occitanie en scène venait d’accueillir la plénière du réseau IETM et plutôt que de refaire l’accueil d’un réseau international, nous avons choisi d’intégrer cet évènement dans un projet plus large avec une ambition structurante pour aborder les questions d’égalité femmes-hommes dans notre secteur. Nous avons ainsi conçu et mis en œuvre un projet global de sensibilisation des professionnel·le·s de notre territoire, le projet Madeleine H/F avec plusieurs actions telles que la réalisation d’une étude en région, la formation de personnes référentes, des rencontres professionnelles, la réalisation d’une charte et bien sûr, l’accueil du réseau international Magdalena Project avec le Théâtre de la Remise.

Des outils ont été mis en place tout au long de la vie du projet mais une fois le projet Madeleine H/F terminé, il était impensable de s’arrêter là. Nous avons donc poursuivi ce travail autour de l’animation de cette charte et du réseau de ses signataires. Notre engagement sur ce sujet se manifeste aujourd’hui par la mise en place de différents outils qui concourent à l’autonomisation des organisations culturelles signataires de la charte dans la planification et la mise en oeuvre d’actions égalitaires. C’est un travail de longue haleine qui touche plusieurs dimensions mais nous voulons véritablement impulser des actions qui soient pérennes, l’idée étant d’additionner progressivement des actions vertueuses et cohérentes en fonction de la situation des structures, de leurs priorités et de leurs moyens.

 

Quel est ton lien avec cette thématique ? Quel est ton « parcours égalité » au sein d’Occitanie en scène ?

Pour ma part, je suis ravie d’avoir rencontré cette thématique dans mon parcours professionnel !

J’ai été élevée dans une famille de femmes autonomes et indépendantes et j’ai toujours été convaincue que les femmes devaient gagner leur émancipation mais malgré tout, j’ai l’impression de faire partie d’une génération « endormie » concernant le féminisme et ses luttes. Il était présent sans être nommé véritablement et tous ces stéréotypes genrés étaient bien établis, une vraie génération biberonnée au rose et au bleu, aux poupées pour les filles et aux voitures pour les garçons, aux pères absents et aux mères courage etc.

Quand ces projets au sein d’Occitanie en scène sont arrivés, ils ont réveillé un engagement personnel et sont venus mettre des mots sur mes sensations, mes observations et mes expériences. Ils m’ont fait grandir en tant que femme et en tant que professionnelle. Je me suis progressivement sensibilisée et j’ai intégré les concepts et identifié des mécanismes qui entretiennent les inégalités. On va dire que j’ai rapidement chaussé les lunettes du genre avec lesquelles j’ai mieux vu et mieux compris tous les effets vicieux de ces chaines d’inégalités qu’il est difficile de stopper. Aujourd’hui, progressivement, on me sollicite dans des formations pour sensibiliser les futur·e·s professionnel·le·s du secteur culturel et je suis ravie de transmettre à mon tour ces notions. On continue également de le faire à Occitanie en scène, notamment grâce aux journées du parcours Gardons le rythme et ça me motive tellement d’entendre certaines participantes me dire qu’elles avaient eu un déclic grâce à leur participation à ces journées, qu’elles avaient vraiment changé de regard notamment après la conférence La langue française est-elle sexiste ? d’Éliane Viennot. Je me souviens avoir eu exactement la même sensation et je suis très heureuse de partager ça.

 

As-tu réalisé des changements dans ta posture en tant que professionnelle ?

Je prends beaucoup plus conscience de certains gestes ou certains mots, comme lorsqu’on me coupe la parole, qu’on reformule mes idées ou lorsque je deviens quasiment transparente lors des échanges. Avant je me disais que c’était de mon fait car je n’arrivais pas à me faire entendre ou que je ne formulais pas assez clairement mes idées mais en comprenant qu’il s’agissait de pratiques sexistes, ça m’a libéré d’un poids. Il est vrai que je ne suis pas toujours en lutte active, mais selon les moments, je peux réagir et m’affirmer et je pense que l’âge, l’expérience et cette sensibilisation me permettent aujourd’hui de prendre de l’assurance.

 

Comment vois-tu ta relation au secteur culturel avec ces expériences ?

Je remarque que mon seuil de tolérance est assez vite atteint en tant que spectatrice notamment, sur des projets qui ne déconstruisent pas les stéréotypes ou les postures de domination. J’ai envie d’un renouvellement. Aujourd’hui, j’ai une écoute plus attentive et je ressens une vraie curiosité pour des projets portés par des femmes car je réalise tous les obstacles qu’elles rencontrent et les freins qu’elles doivent dépasser. Je reste évidemment la plus impartiale possible face aux projets mais je suis motivée par la nécessité de laisser une place, d’entendre et de défendre les points de vue de ces femmes.

 

Être référente égalité femmes-hommes au sein d’Occitanie en scène, c’est un partie intégrante de ton poste ou le sens-tu plutôt comme une forme de militantisme ?

Je ne vis pas ces missions comme du militantisme. Quand je mène des actions au sein d’Occitanie en scène en lien avec cette thématique, je le fais de manière très sincère en voulant maximiser l’impact de ces actions et je crois véritablement en ce que je fais. Je mène mon engagement pour l’égalité comme tout ce que je fais d’autre à Occitanie en scène, j’y mets beaucoup de convictions. Mais peut-être que c’est du militantisme !

 

Quels changements est-ce que tu vois aujourd’hui dans le secteur ?

Ce que je trouve très excitant en terme de perspectives dans notre secteur, c’est qu’il y a énormément de spectacles créés par des femmes qui posent des questions et qui tentent des formes audacieuses comme le projet MADAM – Manuel d’Auto Défense À Méditer de la compagnie EXIT. Franchement, chapeau à Hélène Soulier qui a des ambitions fortes : une équipe exclusivement féminine, l’appel à une autrice contemporaine, le traitement de sujets de société, avec à chaque fois une comédienne seule en scène, l’appel à des expertes et la proposition qu’elle en fait avec six projets coproduits. Je trouve ça extraordinaire. Et il y a aujourd’hui beaucoup d’équipes portées par des femmes qui ont des choses à dire, qui se saisissent de questions de genre et d’égalité et qui font bouger les choses.

 

Pourrais-tu nous donner quelques références à lire ou à voir ?

La bible pour moi reste King Kong Théorie de Virginie Despentes. Il y a aussi les conférences d’Éliane Viennot et d’Aurore Évain qui m’ont éclairées sur les enjeux politiques d’une langue égalitaire – et sur ceux d’une langue où le masculin l’emporte sur le féminin – et le podcast La poudre animé par Lauren Bastide, particulièrement l’épisode où elle a invité Victoire Tuaillon, je les trouve magistrales toutes les deux !